La Cour de Cassation fait une stricte application des principes dégagés par la Cour de Justice de l’Union Européenne relatifs à l’usage d’une marque en tant que mot clé par un tiers

Type

Propriété intellectuelle / Nouvelles technologies / Communication

Date de publication

19 octobre 2012

L’arrêt du 25 septembre 2012 (n°11-18110) de la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation s’inscrit dans la droite ligne de la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) relative à la responsabilité des prestataires de service de référencement et des annonceurs pour l’usage de la marque d’un tiers à titre de mot-clé (Google France SARL & Inc. v Louis Vuitton Malletier SA (C-236/08), L’Oréal c. Ebay International (C-324/09) 12 juillet 2011, Interflora Inc. & Interflora British Unit v Marks&Spencer plc & Flowers Direct Online Ltd (C-323-09) 22 septembre 2011).

Un contentieux important est né des services de référencement en ligne proposés par les moteurs de recherche, et en premier lieu le service Google Adwords. Ces services offrent la possibilité aux opérateurs économiques de réserver des mots-clés identiques ou similaires à une marque, sans obtenir l’autorisation préalable de leurs titulaires, permettant lors de la saisie de ses marques par les internautes, l’affichage de liens commerciaux, accompagnés d’une annonce, vers des sites concurrents.
Les titulaires de marques ont recherché, d’une part, la responsabilité des annonceurs, estimant qu’un tel usage caractérisait des actes de contrefaçon de marque, et d’autre part, la responsabilité des prestataires de service de référencement, considérant que l’organisation d’un tel service portait atteinte à leurs droits.

Alors saisie de ces problématiques, la CJUE avait considéré que les prestataires de service de référencement ne pouvaient engager leur responsabilité au titre de la contrefaçon de marque car ces derniers ne font pas usage de la marque qui a été réservée par l’annonceur pour leur propre compte dans le cadre de leur propre communication commerciale. En revanche, dans les trois décisions susvisées, la CJUE avait estimé que les annonceurs peuvent réaliser des actes de contrefaçon de marque en réservant la marque d’un tiers comme mot clé. La Cour indique plus particulièrement qu’il revient aux juridictions nationales « d’apprécier, au cas par cas, si les faits du litige dont elle est saisie sont caractérisés par une atteinte, ou un risque d’atteinte, à la fonction d’indication d’origine » ce qui « dépend en particulier de la manière dont l’annonce est rédigée ». Elle précise qu’une telle atteinte est caractérisée dès lors que l’annonce suggère l’existence d’un lien économique entre l’annonceur et le titulaire de la marque, ou lorsque l’annonce est si vague que l’internaute moyen n’est pas en mesure de déterminer s’il existe un lien économique entre ces derniers.

En l’espèce, l’exploitant d’un site internet d’achat et de vente de véhicules automobiles reprochait à trois de ses concurrents d’avoir réservés ses marques en tant que mot clé, faisant ainsi apparaître une annonce à leur profit, par l’intermédiaire du service Google Adwords. Le titulaire de la marque estimait ainsi que ses concurrents avaient accompli des actes de contrefaçon de sa marque. En outre, la société demanderesse recherchait également la responsabilité de la société Google au titre de l’article 1382 du Code civil. Elle soutenait que le moteur de recherche aurait du mettre en œuvre des moyens destinés à prévenir la réalisation d’actes de contrefaçon de ses marques.

La Cour d’Appel a procédé à une stricte application de la grille de lecture résultant de la jurisprudence de la CJUE. Autrement dit, elle s’est attachée à analyser la présentation et le contenu des annonces en cause pour déterminer si des actes de contrefaçon de la marque du titulaire pouvaient être caractérisés. A cet effet, les juges ont d’abord relevé que les annonces apparaissaient sous la rubrique « Liens commerciaux » du moteur de recherche, opérant une séparation nette avec les résultats dits naturels de recherche. Qui plus est, la Cour d’Appel a également retenu que le prestataire de service de référencement indiquait par la formule « et pourquoi pas votre annonce » que cette rubrique est ouverte à tout annonceur. La Cour d’Appel a ensuite noté que pour chacune des annonces était indiqués les noms de domaines des annonceurs, qui dirigent l’internaute vers leurs sites internet sur lesquels les informations nécessaires à leur identification, tels que leur forme juridique ou leur numéro RCS, étaient mentionnées. Enfin, la Cour d’Appel a constaté que le corps des annonces ne reproduisait pas la marque en question. Bien plus, la Cour d’Appel relève que ces annonces étaient rédigées en des termes génériques pour le secteur d’activité en cause, se bornant à promettre des réductions sur des automobiles. Les juges d’appel excluaient par conséquent tout acte de contrefaçon de marque par les annonceurs. Quant à la responsabilité civile de la société Google, la Cour d’Appel considère qu’aucune faute ne peut lui être imputée dans la mesure où l’usage de la marque en tant que mot clé « n’a présenté en l’espèce aucun caractère répréhensible ».

La Cour de cassation approuve pleinement l’arrêt d’appel. La haute juridiction, reprenant les éléments ci-dessus relevés par les juges d’appel, considère que c’est par des moyens pertinents qu’ils ont pu en déduire « que chacune des annonces était suffisamment précise pour permettre à un internaute moyen de savoir que les produits ou services visés par ces annonces ne provenaient pas » du titulaire de la marque ou d’une entreprise économiquement liée, mais au contraire d’un tiers. Dans le même sens, la Chambre Commerciale valide pleinement la décision d’appel en ce qu’elle a écarté la responsabilité de la société Google dans la mesure où l’usage de la marque d’un tiers en tant que mot clé « ne présentait aucun caractère répréhensible » et que « les différentes annonces n’étaient pas illicites ». Ainsi, cette décision confirme la jurisprudence au terme de laquelle l’usage de la marque d’un tiers en tant que mot clé ne permet pas d’engager systématiquement la responsabilité des annonceurs et des prestataires de service de référencement.

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